Un statut européen de l’artiste en construction

Le Livre Blanc de la Convention européenne des arts visuels : une initiative portée par La Maison des Artistes

A l’initiative de La Maison des Artistes et du syndicat Solidarité Maison des Artistes – CFDT se réunissaient les 15 et 16 décembre 2008 au Centre Pompidou les représentants des associations européennes d’artistes des arts visuels pour dresser un état des lieux de la situation des artistes des arts visuels en Europe et débattre des questions professionnelles.

A cette occasion, professionnel.les européen.nes du secteur des arts visuels, représentant politiques et sympathisant.es ont eu à cœur d’échanger autour des enjeux et problématiques liées à la disparité des systèmes appliqués dans chaque pays. Ces échanges ont démontrés qu’en dehors des différences d’appréciation de la valeur artistique et des critères de professionnalité, ce sont également d’immenses injustices sociales et économiques qui sont ressenties partout en Europe.

En clôture de ces journées, trois grand axes revendicatifs ont éclos et font aujourd’hui office de manifeste :

  • L’artiste-auteur est un acteur essentiel de nos sociétés humaines.
  • L’artiste-auteur est un acteur économique direct ou indirecte d’une filière professionnelle identifiable.
  • L’artiste-auteur est un professionnel qui doit disposer d’une couverture sociale et d’un système fiscal adaptés garants de son appartenance à un corps de métier.

C’est également à la fin de ces journées d’échanges que les participant.es ont formulés des demandes à leurs états respectifs parmi lesquelles :

  • Le droit à une juste rémunération et la garantie d’un revenu tiré du travail de création ;
  • Le soutien aux actions garantissant les moyens d’existence de la création ;
  • La représentation des artistes-auteurs dans leur champ professionnels ;
  • Le développement d’un système de protection social adapté ;
  • Le droit à la formation professionnelle ;
  • Des aménagement fiscaux adaptés à la profession ;
  • La création d’un statut européen de l’artiste.

L’ensemble des échanges et des revendications ont été publiés dans Le Livre Blanc de la Convention européenne des arts visuels.

Le statut européen de l’artiste

Le 11 mars 2024, le député européen Domènec Ruiz Devesa a publié la réponse attendue de la Commission Européenne sur la résolution adoptée en novembre 2023 concernant le statut des artistes et travailleurs culturels. La Commission y dévoile notamment son plan d’action pour un statut d’artiste européen. Cette initiative vise à garantir leurs droits et conditions de travail, dans un contexte de forte innovation technologique et d’essor de l’intelligence artificielle. Il s’inscrit pleinement dans la continuité des réflexions et des propositions portées par l’association La Maison des Artistes dès 2008 et présentées en synthèse dans Le Livre Blanc

Ce rapport de la commission fait notamment état de la précarité économique des artistes-auteurs et des professionnels des secteurs de la culture et de la création dont les conditions de vie et de travail « se caractérisent par la précarité et l’instabilité, du fait de l’intermittence de leur travail, de l’imprévisibilité des revenus, d’un faible pouvoir de négociation face à l’entité contractante, de la courte durée des contrats, de la faiblesse ou de l’absence d’une couverture par la sécurité sociale et du manque d’accès aux aides en cas de chômage;… » Cette situation complique leur accès aux droits sociaux et l’absence d’un statut harmonisé à l’échelle européenne crée des disparités importantes entre les États membres, rendant difficile la mobilité des artistes au sein de l’Union européenne.

Unifié le statut des artistes à l’échelle européenne

Pour répondre à ces défis, le rapport propose l’adoption d’une directive européenne instaurant un statut unifié des artistes. Ce statut viserait à garantir des droits sociaux adaptés, à reconnaître officiellement les spécificités des métiers artistiques et à offrir des protections adaptées à la nature irrégulière de leur travail. L’objectif est de créer un socle de droits communs permettant aux artistes de bénéficier d’une couverture sociale équitable, quel que soit leur pays de résidence ou d’activité.

Des préconisations ?

Ce rapport entend également préciser les modalités de la rémunération des artistes, particulièrement à l’ère du numérique. La numérisation croissante du secteur entraîne de nouveaux défis en matière de répartition des revenus, notamment sur les plateformes de streaming et les réseaux sociaux. Le rapport recommande une application stricte des règles de transparence et de rémunération équitable prévues par la directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Il préconise également de renforcer la régulation des plateformes pour garantir une juste rémunération aux créateurs.

Il met également en avant la nécessité de faciliter la mobilité des artistes à travers l’Europe en luttant contre les lourdeurs administratives et les disparités législatives qui freinent les échanges culturels et la circulation des artistes entre les États membres. Pour y remédier, il propose la simplification des démarches administratives et la mise en place de mécanismes de reconnaissance mutuelle des statuts d’artiste.

Par ailleurs, le document insiste sur l’importance de l’accompagnement des artistes tout au long de leur carrière. La formation continue est un enjeu majeur pour permettre aux artistes de s’adapter aux évolutions du marché en s’appuyant sur le développement de programmes de formation spécifiques, financés par des fonds européens, afin d’assurer les transitions professionnelles et de renforcer les compétences des artistes.

Pour les entreprises du secteur culturel, le rapport suggère des incitations fiscales afin d’encourager l’investissement dans la culture. Ces mesures incluent des allégements fiscaux pour les entreprises qui soutiennent la création artistique, ainsi que des aides spécifiques pour les petites structures et les indépendants afin de favoriser un écosystème culturel plus inclusif et durable.

En matière de représentation professionnelle, le rapport plaide pour une meilleure reconnaissance des organisations syndicales et des associations professionnelles représentant les artistes et les travailleurs culturels. Il recommande de faciliter la négociation collective pour améliorer les conditions de travail et renforcer la solidarité au sein du secteur.

Ce rapport constitue une avancée majeure vers la reconnaissance d’un statut européen des artistes. Il appelle à une action concertée des institutions européennes et des États membres pour garantir des conditions de travail dignes, promouvoir la création artistique et assurer une meilleure protection sociale aux travailleurs des secteurs culturels et créatifs.

Pour aller plus loin :

Le 25 octobre 2023 le Parlement Européen a publié un rapport proposant un cadre pour améliorer la situation sociale et professionnelle des artistes et des travailleurs des secteurs de la culture et de la création dans l’Union européenne. Ce rapport souligne la précarité de ces métiers, marquée par des revenus instables, un accès limité à la protection sociale et des inégalités persistantes entre les payes de l’UE. Il recommande notamment des mesures pour garantir une rémunération juste et équitable, des conditions de travail décentes et un meilleur accès à la protection sociale, tout en favorisant la mobilité des artistes au sein de l’UE. La Commission est encouragée à établir un cadre juridique harmonisé et à renforcer le dialogue social. Enfin, il met l’accent sur le rôle stratégique de la culture pour l’intégration européenne et le développement économique.

Le rapport du groupe de travail de la Méthode Ouverte de Coordination (MOC), publié en juin 2023, examine le statut et les conditions de travail des artistes et des professionnels de la culture au sein de l’Union européenne. Il souligne que, malgré la reconnaissance croissante de la valeur intrinsèque et de l’impact socio-économique de la culture, de nombreux artistes font face à des conditions de travail précaires, des revenus faibles et irréguliers, une prédominance du travail indépendant, et un manque de protection sociale adéquate. La crise de la COVID-19 a exacerbé ces défis, mettant en lumière la nécessité d’améliorer les environnements de travail dans le secteur culturel. Le rapport recommande notamment d’adapter la protection sociale aux spécificités du secteur, de promouvoir des pratiques contractuelles équitables, de renforcer les mécanismes d’acquisition de compétences, et de mieux protéger la liberté artistique. Ces propositions visent à établir un cadre commun pour améliorer les conditions de travail des artistes à travers l’UE.